Aujourd'hui il a bravé sa mélancolie. Poussé par son désir de vivre et non plus de survivre, il est sorti de chez lui. Tout lui demande un effort, mais il s'y oblige. Il a décidé de croire qu'il serait récompensé.
Il a passé la porte de son immeuble, emmitouflé dans un grand manteau qu'il n'avait pas sorti depuis des lustres. Il fait froid aujourd'hui, alors il s'est bien couvert. Mais à peine a-t-il mis le nez dehors qu'il hésite. Peut-être n'était-ce pas le bon jour. Peut-être aurait-il dû attendre la douce chaleur du printemps. Il sert un peu plus son écharpe et marche dans la rue la tête baissée. Il n'est pas à l'aise. Sortir est vraiment devenu difficile pour lui. Des mois que ça ne lui était pas arrivé.
Il passe un carrefour, puis un autre. Observe les voitures qui s'arrêtent et redémarrent. Puis il s'engage dans une petite rue piétonne. Il se sent déjà un peu mieux. La marche le réchauffe. Il regarde les vitrines de part et d'autre de la rue. Se surprend à sourire parfois.
Il arrive enfin sur la place qu'il avait choisi pour destination. Enfin ce n'est pas tant la place qu'il avait choisi, mais ce magasin de bandes dessinées qui fait aussi café. Un instant il craint qu'il soit fermé, mais en se rapprochant il voit la lumière à l'intérieur. Il entre doucement, comme s'il avait peur de réveiller les livres assoupis sur les étagères. Un bonjour timide s'échappe de ses lèvres. Déjà il se dirige vers l'étage, là où se trouvent les ouvrages indépendants.
Il n'ose pas feuilleter les livres, alors il se contente de regarder les couvertures. Parfois il en saisi un, et regarde aussi le dos. Il parcourt la tranche de ses doigts. Enfin, un livre attire son attention. Après avoir vérifié qu'il était seul, il en feuillette les pages, admire les dessins et la mise en couleur. C'est décidé ce sera celui là . Il descend régler sa trouvaille et se dirige enfin vers la partie café.
Il s'installe dans un coin, et commence à lire la bande dessinée choisie. Il commande un chocolat chaud à la canelle. Il ne sait même pas pourquoi étant donné qu'il n'en boit jamais. Il a eu une envie. Il avait oublié jusqu'à l'idée même de ce sentiment. Sa commande arrive assez rapidement. Le chocolat fume. Il sent divinement bon. Il le remue avec sa cuillère et elle en ressort recouverte d'une épaisse couche du breuvage. Il la porte à la bouche, et les saveurs se répondent en lui. C'est une boisson parfaite pour un goûter d'hiver. Riche et douce à la fois.
Finalement, il a bien fait de sortir. Ses efforts ont été récompensés. Il gardera un merveilleux souvenir de sa journée. Tout ça grâce à un chocolat.